RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 153 / juin 2016
http://resistons.lautre.net/spip.php?article563
C’est une chorale qui chante d’une seule voix. D’abord, Philippe Martinez, de la CGT, qui ment : le 1er mai, ce seraient de soi-disant « casseurs » et pas les flics qui auraient attaqués les manifestants, l’affiche d’un syndicat de la CGT dénonçant les violences policières serait l’« affiche de trop » qui ne vise pas la police et les policiers mais les « donneurs d’ordre ». Ensuite, la CGT-Police, selon qui, si « bavures » il y a, comme par exemple au lycée Bergson où le courageux policier assène un coup de poing en plein visage d’un lycéen solidement tenu par « deux collègues », c’est parce que les flics ne sont « pas correctement formés ». Ceux qui tirent sur la foule à hauteur de visage et matraquent à tout va ne seraient pas des exécutants aveugles des basses œuvres du gouvernement et du patronat, mais de pauvres travailleurs fatigués. Alliance, FO, UNSA, CGT-Police, c’est la même chanson, ils syndiquent les policiers comme s’ils étaient des salariés comme les autres. Selon le syndicat de flic le plus « à gauche », le minuscule SUD-Intérieur de chez Solidaires, la police aurait une « double nature », elle protégerait le citoyen en plus de servir au maintien de l’ordre social. Sud-Intérieur appelle les policiers à rejoindre le cortège contre la loi El Khomri, en « oubliant » que les flics sont déjà dans les cortèges…pour taper, gazer, nasser, arrêter, mutiler, provoquer.
« Gauche » ou droite, tous tortillent du cul pour masquer une vérité : le pouvoir, les donneurs d’ordre, la police et les policiers forment un même corps. La police est surarmée, militarisée par le pouvoir, ses lanceurs de balle qui crèvent les yeux, ses « grenades de désencerclement » qui percent des cranes sont ses outils de « communication ». Briser et marquer les corps devient son unique doctrine. Alors que l’impunité policière est sans limite, des dossiers vides peuvent mener des manifestants devant les cours d’assises. La tête et son bras armé ne peuvent pas être séparés.
Côté manifestants, le « carré de tête », devant les SO CGT/FO est désormais occupé par le « devant » des cortèges où il y a de tout et de tout âge. De l’inédit jusqu’ici, on y trouve syndicalistes avec leurs badges et drapeaux, collectifs radicaux de toutes sortes, retraités, lycéens, étudiants, chômeurs, sans papiers, familles de victimes de violences policières…Souvent plus nombreux que les promeneurs derrière les ballons syndicaux et surtout avec un autre message : nous voulons nous envoler et ne pas rester attachés comme vos ballons. Cette foule bigarrée, foutraque et solidaire grossit à chaque violence, provocation, nassage policier. Elle ne crie pas « casseurs, cassez-vous ! » mais ultra majoritairement en désignant directement les flics et derrière le gouvernement « C’est vous les casseurs ! C’est vous les racailles ! ».
Alors que penser de la violence de ces soi-disant « casseurs » ? A ceux qui tiennent des discours genre, c’est « à cause des casseurs qu’il y a des violences policières », certains répondent : quelle lutte réelle de résistance offrent les gonfleurs de ballons attachés, à la jeunesse sans avenir ? On peut, bien sûr, discuter de l’intérêt du cassage de la vitrine d’une banque ou de l’incendie d’une voiture de police pour la construction d’une résistance de masse mais, qui peut nier que ces symboles du régime capitaliste inspirent une haine légitime ? Ne nous laissons pas aveugler par l’enfumage du pouvoir et de ses larbins : une voiture de police incendiée vaut-elle plus qu’un œil crevé à coup de flashball ou un crâne fendu à coup de grenade de désencerclement ?
Valls, lui, ouvre la chasse à courre : « Il n’y a pas de consigne de retenue contre les casseurs ». Les « bandes armées du capital » (Marx) sont lâchées. Il n’y a pas de police « policée ». Et la justice poursuit le sale boulot face à ceux dont l’audace de « casseurs » serait allée trop loin : les « arracheurs de chemises » d’Air France ou les « séquestreurs » de Goodyear, les « bloqueurs de lycée » de Levallois, ceux des lieux de productions et les centaines de manifestants interpellés en font déjà les frais, ils seront tous traités de « voyous » et « terroristes ». Ils doivent être tous défendus sans distinction.
Mobilisations contre la « loi travail » et son monde : emploi de la force à tous les niveaux
Le 10 mai le gouvernement décide que la « loi travail » sera validée à l’aide du 49.3. Le rassemblement organisé devant l’Assemblée nationale sera très durement réprimé. Jeudi 12, la pression policière s’exerce avant même que commence la manif : certaines personnes sont arrêtées en sortant de chez elles sous prétexte de contrôles d’identité, elles passeront 4 heures au poste et seront donc de fait, privées de manifestation. Le dimanche 15 mai, ce sont des arrêtés préfectoraux qui sont remis, en région parisienne, à Nantes et Lyon, à des dizaines de personnes (syndicalistes, victimes de violences policières, journalistes, militants non encartés…) ayant pour seul point commun d’avoir été vues dans des manifs contre les violences policières et la « loi travail » ; il s’agit de leur interdire sur la base de la loi sur l’état d’urgence de se rendre dans les zones où des manifs doivent avoir lieu. Ces interdictions se fondent uniquement sur le renseignement de la DGSI et le ciblage politique de manifestants qui s’organisent. La personne risque jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende. La quasi-totalité de ces arrêtés seront annulés par le tribunal mais la pression est là.
Côté manifs, quelques innovations : à leur point de départ, le quartier est bouclé et des fouilles systématiques sont organisées, la police, soi-disant à la recherche d’armes, confisque tout ce qui permet de se protéger (lunettes de plongée, sérum physiologique, citron, masques etc). A Rennes le 2 juin une nouvelle technique, jusque-là réservée aux migrants de Calais est utilisée contre 300 manifestants qui tentent de bloquer la rocade : les flics chargent en voiture et à toute allure ne s’arrêtant qu’après avoir traversé la manif pour matraquer et gazer tout le monde afin d’achever la dispersion.
Les violences les plus dures sont constantes comme les vidéos continuent de le montrer : le 17 mai place de la Nation à Paris un homme filme un jeune bousculé par les flics et se trouve lui-même visé par un tir tendu de grenade lacrymogène qui le blesse à la jambe ; à Toulouse le 26 mai, une autre vidéo montre une jeune fille se faire saisir à la gorge puis projeter au sol par un CRS ; ce même jour à Caen, un manifestant est roué de coups de matraque alors qu’il est à terre ; à Paris, une vidéo et de nombreux témoignages désignent un flic comme étant à l’origine d’un tir de grenade lancé à l’aveugle sur la foule blessant d’abord une manifestante au pied pour ensuite ricocher et atteindre la tête d’un journaliste indépendant de 28 ans, Romain D. qui s’effondre, gravement blessé à la tempe , est acheminé encore conscient par des pompiers dans une ambulance mais accompagné par deux flics, ses proches le retrouvent à l’hôpital, dans un état de coma qui durera plusieurs jours.
Le blocage des raffineries et des dépôts pétroliers n’est pas en reste du point de vue de la répression. Canons à eau, lacrymos, délogements des grévistes au petit matin, « charges d’une violence inouïe », interpellations par centaines comme lors du blocage du port de Gennevilliers. Et ça suit aussi du côté de la répression judiciaire : le 14 mai un lycéen nantais de 18 ans est mis en examen pour « tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique » (ce qui peut lui valoir la cour d’assise et la réclusion à perpétuité !) car on l’accuse, sans preuve tangible, d’avoir donné quelques coups de poing à un commissaire qui ne s’était pas reculé assez rapidement après une charge (info : lenvolee.net) ; encore 3 lycéens de Levallois ont été convoqués, résultat : rappels à la loi et 750 euros d’amende, un nouveau procès est prévu le 23 juin ; le 25 mai, l’un des deux militants qui s’étaient réfugiés suite à une charge policière dans le local de la CNT dont la porte a été défoncée par les flics, a été condamné à 6 mois de sursis et une interdiction de manifester d’un an.
La répression est tout aussi féroce vis à vis des mobilisations hors lutte contre la loi travail : le 2 juin, c’est un rassemblement de parents et d’enseignants devant le collège Surcouf de Saint Malo venus protester contre la fermeture du collège à la rentrée prochaine qui se font charger très violemment par les flics : 11 collégiens sont blessés, 3 d’entre eux finissent à l’hôpital, 2 avec un membre fracturé.
Sajnos, franciául nem tudok.